Elle vit et travaille au Pré-Saint-Gervais.
Chez joca seria
270 pages en couleur,
titre de couverture doré à chaud, tranche de l’ouvrage dorée.
Conception graphique : Charlie Cerisier
ISBN : 978-2-84809-113-6
45 €
Le sculpteur Callimachus, que les Athéniens appelaient Catatechnos à cause de la délicatesse et de l’habileté avec lesquelles il taillait le marbre, passant auprès de ce tombeau, vit le panier et la manière dont ces feuilles naissantes l’avaient environné. Cette forme nouvelle lui plut infiniment et il en imita la manière. »
Vitruve Dix livres d’architecture
Le projet de cette monographie est de rassembler vingt ans de travail sur un mode non pas chronologique mais en favorisant des associations de sens, en considérant chaque chapitre comme un monde, en créant des strates tant visuelles qu’écrites, en vue d’organiser un ouvrage hybride et polyphonique.
Le fil directeur de l’ouvrage est « la ténébreuse affaire » de l’ornement, lié à la disparition, à l’origine (voir le texte de Vitruve) celle de l’enfance, et sa commémoration via des artifices et édifices ornementaux.
Le choix de Béatrice Salmon, directrice des Musées des arts décoratifs, pour la préface situe clairement l’enjeu de cet ouvrage : donner une place centrale au décoratif, art considéré comme mineur et périphérique dans la hiérarchie artistique, et réactiver dans une portée toute subversive et menaçante « l’ornement est un crime » d’Adolf Loos.
Le premier chapitre, Motifs du crime, resitue l’origine de mon travail en rapport à des faits historiques et le texte de Richard Stamelman Tattoo versus Scent décortique avec précision les codes et référents convoqués dans l’élaboration des œuvres créées pour Féminin-Masculin en 1995. Après l’utilisation de l’eau de Cologne 4711, on retrouvera dix ans plus tard la présence ténue d’un parfum Écume d’Amour pour évoquer l’absence et la disparition du corps.
Les chapitres suivants rassemblent des familles d’œuvres associées là encore anachroniquement et par affinités et qui constituent le vocabulaire de mon travail, on pourrait presque ici parler d’abécédaire :
- fantômes et esprits (Des voix dans ma tête)
- autoportraits dans leur rapport au questionnement du corps, du travestissement et de sa surface (Ombres de moi-même et texte d’Anne Tronche Cosmétique des mots du corps)
- intercesseurs et figures tutélaires ((No) more heroes)
- arts décoratifs à travers mes créations en faïence, porcelaine, notamment le service réalisé dernièrement à la Manufacture de Sèvres et accompagnés d’un entretien avec Marie-Laure Bernadac (« Orner, dit-elle »)
- liens et filiations, Histoire et histoires (Blood Chains et texte de Marcel Cohen Notes pour un portrait de Françoise Quardon qui, à travers de courts chapitres, présente des fragments d’identité accompagnés des voix d’autres écrivains)
- maison, ameublement et inquiétante étrangeté (Unheimlich avec un texte d’Hubert Besacier)
- amour, cruauté, apparences trompeuses (I love you for Never).
Ces chapitres alternent textes courts et citations, en particulier dialogues, qui viennent « sous-titrer » les images, et textes de fond qui rythment la promenade dans ces différents univers.
Nulle volonté d’illustration (de l’image au mot), mais des associations qui déclenchent des échos incongrus et harmonieux, où visuel et lettre en cohabitant, acquièrent une autre amplitude.
Le titre La ballade de clamecés joint dans un oxymore, figure souvent utilisée dans mon travail, la ballade comme, chanson à danser (les voix encore) et danse qui l’accompagnait, et le mot d’argot d’origine allemande Klaps. : c’est à une joyeuse danse avec les spectres, parfois savante, parfois triviale que je vous convie.
L’image de couverture Etrangers au paradis est la rencontre anachronique et dans la forme du livre « recto / verso » revisitant le thème du double, de deux de mes héros Emily Dickinson et Johnny Thunders que j’incarne pour l’occasion et qui apparaîtront par le biais de textes et d’œuvres qui leurs sont dédiés dans le chapitre Des voix dans ma tête.
Les décisions graphiques, foliotage, lettrines, vignettes, têtes de chapitre, gardes collées, sont autant d’indices qui proposent au lecteur des clés parfois évidentes, parfois camouflées et qui participent à cette volonté d’échos visuels et de la pensée dans des mises en scène labyrinthiques et baroques.
« Mais qu’est-ce qu’un adieu au baroque, quand ses adieux sont pluriels, comme les joyaux ? Comme les joyaux, ils scintillent, nous mettant dans le rapport au lointain, par l’intermittence de leur lumière. (…)
De ces adieux nous disons « se tenir dans l’adieu ». Ou encore, « être amoureux des adieux ». C’est-à-dire des joyaux, des lointains, des simulacres et des bouquets, du scintillement et des nuées, des lieux sombres proches de la lumière : des lieux moirés. »
Daniel Klébaner L’adieu au baroque.
Françoise Quardon